Un saut dans la vie
Salut! Mon nom c’est Michelle (Lulu pour les intimes), j’ai 25 ans et j’ai en moi ce qu’on appelle un trouble bipolaire. Un trouble bipolaire comme le mien, ça se caractérise avec deux pôles : la dépression et la manie. Les hauts (manie) sont excessivement hauts et les bas (dépression) sont dans une noirceur incroyable. Cela fait seulement qu’un an que je suis capable de mettre des mots sur ce qui se passe dans ma tête depuis plusieurs années. Aujourd’hui je prends le temps de comprendre la maladie et de me trouver des outils pour améliorer mon bien-être au quotidien.
J’ai vécu plusieurs dépressions en peu de temps. Je me sentais seule et j’avais peur. Je ne comprenais pas. Je me sentais tellement différente et je n’étais pas capable de supporter le jugement des autres. Ça me déchirait le cœur de ne pas être capable de trouver un peu de bonheur dans ma vie. Qui dit dépression, dit aussi manie. À première vue, la manie peut paraître moins dommageable que la dépression car elle est souvent dans des émotions très positives et des moments de joie extrême. Cependant, c’est rendu au plus haut de la manie que la rechute approche. Et vice versa. Au lieu de tomber dans un état équilibré, ça m’amène directement à la dépression. C’est pourquoi que j’ai dû accepter un médicament qui viendrait stabiliser ces deux extrêmes. Le lithium. À la base, je ne suis pas en harmonie avec les médicaments. Avec le temps, j’ai compris le besoin de les prendre. Je voulais des remèdes naturels ou des trucs de grand-mère et mon psychiatre m’a bien expliqué qu’il me manque du lithium en moi. Je devais donc prendre du lithium, rien d’autre. Je pouvais très bien apaiser mon anxiété avec des huiles essentielles de pruche ou de lavande mais la maladie, elle, doit être traité.
Le 7 février 2020, je rentrais à l’hôpital en psychose. C’était un énorme mélange de stress avec l’université, la peur de la mort et de la situation avec le coronavirus. J’ai éclaté. Ma tête ne m’appartenait plus. Soudainement, j’étais devenue quelqu’un d’autre. En quelques heures, je me suis improvisée comme un médecin chinois, une voyante, une victime du virus même un guide spirituel… Tout avait un sens dans cet état d’esprit. Même si réellement il n’y avait que moi, qui délirait. Je me souviens de la fin où les infirmiers m’ont injecté une dose d’Ativan pour que je puisse m’endormir profondément. À ce moment-là, dans ma tête en psychose, je croyais qu’ils m’injectaient le coronavirus et que j’allais mourir. J’étais en panique. Sérieusement, à ce moment-là, je peux presque dire que j’ai frôler la mort. Peut-être pas dans un accident de voiture, mais dans ma tête. C’est comme si mon cerveau s’était brisé en deux. Le lendemain, c’était étrange à quel point je reconnaissais où j’étais mais pas de ce qui c’était passé. C’était difficile de comprendre et d’être calme. Je reconnaissais des visages et des voix, mais j’avais encore peur. J’étais craintive de parler à qui que ce soit. Peu à peu, grâce au personnel soignant j’ai été capable de remettre mes idées en place.
On imagine la psychiatrie d’un hôpital comme étant sombre, étrange et négatif. Pour ma part, mon séjour en psychiatrie m’a fait grandir. Je suis maintenant capable d’en parler ouvertement et positivement. J’ai rencontré des personnes qui ont marqués ma vie à tout jamais. Autant, des patients, des infirmiers et des préposés. Après quelques temps, j’ai commencé à vouloir aider les autres. Cependant, je prenais plus soin des autres que de moi-même, ce qui était négatif pour mon bien-être. C’est donc à ce moment là que j’ai eu mon congé.
Après deux semaines à l’hôpital, je suis sortie avec de nouveaux médicaments, un diagnostic précis et une confiance solide. J’allais bien et j’avais hâte d’affronter le monde. Rapidement, la noirceur m’a rattrapé. Je me sentais vide. Je ne voyais ni bonheur ni avenir devant moi. Seulement de la peur. Encore une dépression? Non! Et puis, c’était la pire. Quand la maladie prend le dessus sur toi c’est vraiment difficile de s’en remettre. Les idées suicidaires, l’anxiété dans le tapis, les multiples incomplets à l’école, l’échec, la honte, la peur, le grand vide… Ce sont des moments qui reviennent à chaque dépression. L’excitation, L’agitation, la démesure, les gestes précipités, les idées de grandeur et l’intensité sont à l’excès lorsqu’il s’agit d’une passe maniaque. Mon équilibre se situe au milieu de ses deux extrêmes. C’est le travail du lithium qui agit.
L’année 2020 a été incroyablement difficile pour beaucoup de gens. Moi inclus. Avec du recul, j’ai été capable de me prendre en main. Ça fait maintenant plus d’un an que je ne travaille pas. Depuis le mois de mars, j’ai commencé à faire du bénévolat dans une friperie. Je me sens utile et je fais la différence dans ma communauté. Je me crée une petite routine. De plus, j’ai un suivi avec un art-thérapeute qui me permet de laisser-aller ma créativité et de canaliser mes émotions.
Pour ta santé mentale, le meilleur conseil que je pourrais donner, c’est de prendre le temps de prendre le temps. Peu importe où tu es, qui tu es, comment tu es, je crois qu’il est important de prendre une pause, de poser ces pieds au sol et de respirer. Ensuite, tu te penches sur l’aspect plus rationnel c’est-à-dire une solution ou une démarche que tu pourrais prendre pour apaiser ton âme. Ralentir, respirer et réagir. Les trois R. C’est ma façon de mettre mon énergie à la bonne place.
Un conseil plus concret, c’est de te trouver des petits projets et/ou des objectifs. Que ce soit de réparer le trou dans ton jeans, de faire des semis au printemps, de compter le nombre de tâches sur ton chat, de boire un litre d’eau dans ta journée, de manger un légume vert par jour, de collectionner des roches, de colorier des mandalas, d’acheter du papier de toilette lavable avec des petits renards dessus, de chanter tellement fort que le voisin te demande un rappel, de trouver le t-shirt parfait, de ne pas porter de soutien-gorge, de laisser aller tes poils, de cuisiner du tofu, d’écrire ton propre livre, d’apprendre l’astrologie, de rouler des sushis, de cultiver tes légumes, de dire bonjour aux gens dans la rue, de dire merci plus souvent, de jouer du tam-tam sur tes bourrelets pour les aimer, d’apprendre à peinturer, d’écouter ta série préférée en allemand, de danser sous la pluie, de boire moins de café, de te regarder dans le miroir en souriant, de compter les aiguilles sur ton cactus, de dormir en cuillère avec ton chien, de trouver le jeu de mot le plus nice du monde, de ramasser un déchet au sol, de manger une grosse poutine, de fabriquer une cabane pour tes rats, de faire ton propre shampoing en barre à la camomille, de lire un livre beaucoup trop gros, de faire pousser de la salade sur ton rebord de fenêtre ou bien d’acheter des macaronis en vrac… Peu importe ton projet, dit toi qu’il en vaut la peine si tu lui donne ton énergie et ta volonté.
Accueille tes émotions comme elles sont. Accepte les erreurs que tu peux faire. Nourri la petite lumière en toi. Lève la tête quand tu marches. Regarde autour de toi. Ne t’empêche pas de sourire. Collectionne les petits moments que la vie t’offre. Partage tes valeurs. Accueille la douceur à bras ouverts. Chéri les relations qui te font du bien. Exprime ce que ton cœur te dit.
- Lulu