Apprendre à vivre… juste ça

Apprendre à vivre… juste ça

Je suis née à Granby dans une bonne famille où je n’ai manqué de rien. Mes parents ont fait de leur mieux pour que je grandisse heureuse et en santé. Au primaire, j’étais une petite fille remplie d’énergie et de dynamisme, fonceuse et leader, entourée d’amis et pleine d’assurance. Je suis fille unique, mais j’étais loin d’être seule. J’étais rieuse et bouffonne. Je n’avais pas à me soucier de rien et j’avais confiance en moi.  

C’est à mon entrée au secondaire, comme pour plusieurs, que les choses se sont quelque peu gâchées. Je ne connaissais presque personne dans cette nouvelle école privée. J’étais vulnérable. J’avais peur. Je n’avais plus mes amis pour me rassurer. Et c’est au début de ma première année que j’ai commencé à être victime d’intimidation. J’ai été combien de fois humiliée. Rejetée. La risée des autres. Je voulais disparaître, mourir. Avec le recul, je suis en mesure d’identifier que j’ai développé un grand sentiment de honte, profond, qui a persisté dans le temps et m’a amené une souffrance psychologique importante durant plusieurs années. Ça peut vous sembler démesuré, mais c’était bien réel dans le creux de mon estomac. J’ai commencé à me renfermer, à me cacher, car de toute façon, je n’avais pas le droit d’être ou de faire comme les autres, au risque de faire rire de moi. Je n’avais pas le droit d’exister. Si par malheur je me retrouvais sous les projecteurs, ce n’était que pour recevoir une autre vague d’intimidation dans le visage. C’est là, dans cette école, que j’ai perdu la chose la plus précieuse au monde : Andréanne. Je l’ai écrasée quelque part au fond de moi, puis j’ai enfilé mon habit de protection, et j’ai tenté de survivre à la vie, sans me permettre de vivre, coupée de mes émotions et de mes besoins. 

Au Cégep, je suis devenue perfectionniste. Je voulais être acceptée. Je voulais montrer aux autres, inconsciemment, et à moi-même, que j’avais une quelconque valeur. Je n’existais que pour me prouver. J’ai développé des comportements anorexiques. J’étais appréciée au travail, toujours l’employée modèle qui en fait plus que les autres, et j’ai collecté des notes excellentes. J’étais « hot » dans tous les sports. Parfaite. Je voulais l’être. Je croyais que le bonheur se trouvait dans la perfection et la réussite.  

Toutefois, rapidement, la vie d’adulte m’a semblée lourde. J’étais toujours épuisée, mais je ne comprenais pas pourquoi. J’ai développé une anxiété de performance. La souffrance était toujours là, me talonnait, empirait même, et je n’arrivais pas à en trouver la raison.  

Puis j’ai connu l’alcool et les drogues. Et je suis devenue une alcoolique et toxicomane. J’ai consommé pendant une quinzaine d’années. Je n’avais que deux modes. Performance. Déchéance. Quand j’étais dans mon faux-self de fille parfaite, je produisais et je performais dans tout. Mais quand cela devenait trop lourd, je tombais dans mon personnage « trash » qui se fout de tout et qui emmerde la vie. Autodestruction. Et quand j’en avais assez, je remettais mon costume de « superwoman ». Tassez-vous!  

Mais malgré la réussite dans plusieurs domaines, la vie me semblait progressivement de plus en plus lourde. À chaque journée. À chaque heure. À chaque minute. À chaque seconde.  

Et au plan des relations amoureuses, j’ai accumulé les échecs et certaines expériences traumatisantes, qui ont encouragé un sentiment de honte et de dégoût pour moi-même. Je faisais tout pour plaire et je me faisais violence à la fois. 

Jusqu’à ce que je me plante solidement l’an passé, en 2019. Deuxième épuisement professionnel et arrêt maladie de 6 mois. Je voulais mourir. Encore. Disparaître. J’étais presque déjà morte.  

Je suis partie me cacher toute l’été dans une vieille roulotte sur un camping des 12 étapes (AA). Et pour la première fois, je me suis vraiment arrêtée. Fini la tornade. Fini la tempête. Juste moi. Mais merde, je ne savais plus du tout qui j’étais, ce que j’aimais, mes besoins, mes valeurs, rien. Nada. Et je ne croyais plus en rien. 

J’ai commencé à me chercher. Vraiment. Au lieu de me fuir. J’ai demandé de l’aide. J’ai eu du support psychologique. Les membres de mon entourage m’ont encouragée. Ils étaient contents de me voir. Moi. De me retrouver.  

J’avais peur, mais je n’avais plus le choix. J’avais décidé de m’en sortir. 

Aujourd’hui, j’assiste à des meeting AA de façon sérieuse, en m’impliquant dans les réunions et en mettant en pratique le mode de vie des 12 étapes, qui exige aussi une rigoureuse honnêteté au quotidien. Je bénéficie d’un suivi en psychologie. Je ne fais plus de fuite. J’ai retrouvé une spiritualité et je médite régulièrement. J’ai mis en lumière mes valeurs et redécouvert mes passions, notamment l’art sous différentes formes. Je peins, je dessine, je joue de la guitare, je mange santé, je fais du yoga et du zumba, je prie, j’ai une bonne hygiène de sommeil… Mais surtout, je ris du fond du cœur. J’écoute mes besoins. Je laisse progressivement place à mes émotions. Je m’exprime. Je mets des limites, notamment au travail et dans mes relations. Et je n’essaie plus d’être parfaite. 

J’accepte d’être moi, sans plus, avec mes forces et mes fragilités. Je suis assez. Je suis Andréanne et j’adore mes couleurs.  

Je ne survie plus, je vie passionnément tous les jours de l’année, toutes les minutes, toutes les secondes. J’apprécie chaque instant. Et lorsque ça va moins bien, c’est correct. La vie est ainsi et je suis humaine. J’accepte mes émotions. Tout simplement.  

Je maintiens de belles relations avec les membres de mon entourage. Je ne suis plus égoïste et j’essaie d’être plus présente pour ceux que j’aime, sans me forcer, juste parce que j’en ai envie. Je ne suis plus aveuglée par la souffrance et je peux donc aimer librement. 

Je remercie d’ailleurs mes parents et mes vrais amis, car sans eux, je n’y serai jamais arrivée. Ils ont été là dans mes pires moments et ont cru en moi, alors que j’avais perdu espoir.  

Le bonheur ne se trouve pas dans la perfection ou les drogues, il n’est pas superficiel. Il existe dans chacun de nous. Dans tout. En tout temps. Il s’agit de le laisser émerger.  

Je vous encourage à prendre soin de vous et à être vous-même, et à prendre soin de ceux que vous aimez, car il s’agit du plus beau cadeau que vous ne pourrez jamais vous faire.  

J’ai enlevé mes masques. Je suis vraie. Je m’aime. Je rayonne. Surtout de l’intérieur. 

Je suis Andréanne. Travailleuse sociale en santé mentale. Et je suis KOOL. 

Andréanne 


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